Le 9 août 1914

Maggi à Paris

Maurras n’a pas recueilli dans Les Conditions de la victoire ses articles des 7 et 8 août 1914. Dans son article du 9, il revient sur l’affaire Maggi, que nous avions évoquée en présentant l’article du 3 août.

Pujo aussi y revient avec insistance dans ces journées. La suite prouvera que cette histoire relève de l’espionnite qui se donnait alors libre cours à l’occasion de la déclaration de guerre, parfois à raison mais le plus souvent à tort.

Mais pourquoi y revenir ? Il faut bien entendu faire la part le l’effet d’entraînement : ce ne sont pas les obsessions de Daudet qui s’exprimeraient dans L’Action française car tous les journaux du moment parlent de cette affaire, jusqu’au très sérieux Temps, ancêtre du Monde.

On peut aussi supposer que l’AF aurait été dans une situation délicate si ses membres étaient apparus comme les principaux attaquants des boutiques Maggi, d’autant que le pillage pur et simple prenait facilement prétexte de motifs patriotiques.

Mais tout cela paraît bien mince. Devant tant d’insistance, il faut prendre au sérieux les appels au calme de Pujo et de Maurras : c’est l’autorité qui doit s’exercer en temps de guerre. L’autorité légitime peut-on dire, car même si Maurras n’emploie pas le terme, c’est bien ce concept qu’il vise.

Autorité légitime ? celle de la République ! Maurras aurait sans doute répondu que c’était avant tout celle de l’armée qu’il appelait de ses vœux. Mais nous touchons-là, une fois de plus en cet été 1914, au problème de l’Union sacrée : malgré les arguments de Maurras, même sur un sujet aussi mince que les boutiques Maggi, ses constructions théoriques achoppent : l’autorité qu’il enjoint à ses troupes de respecter, malgré toutes les subtilités d’exposé et de pensée, c’est celle d’un régime que Maurras prétend illégitime.

On sait que ni Maurras ni l’AF ne sortiront jamais vraiment de cette difficulté de l’été 1914, même si la fin de la guerre et du péril imminent permettra d’évacuer la question, qui ne se posera plus en ces termes jusqu’en 1939. Cela n’empêchera pas les critiques, elles durent encore.