Les petit ciseaux de Daladier

Censure dans l'AF du 26 novembre 1939

C’est la première fois que nous sommes contraints de mettre à votre disposition un texte de Maurras en le censurant : il s’agit de « La Politique » du 26 novembre 1939.

Mais c’est la faute de Daladier.

Tant d’autres choses, dira-t-on, sont la faute d’Édouard Daladier ! pourtant c’est bien lui qui en novembre 1939 dirige le gouvernement où il s’est réservé le portefeuille de la guerre et qui, durant cette drôle de guerre, applique la censure de la presse. On le tiendra donc pour responsable des manques dans notre article.

Qu’il censure et interdise L’Humanité depuis août, après « l’approbation » exprimée par le journal du pacte Molotov-Ribbentrop, cela se comprend. L’Humanité clandestine ira jusqu’à appeler en juillet 1940 les ouvriers français à fraterniser avec les soldats allemands… En novembre 1939 nous sommes donc en plein pacte germano-soviétique et le PCF, aligné sur les intérêts de Moscou, voit en Hitler un allié plutôt qu’un ennemi. Déjà en Pologne, le NKVD soviétique et les services nazis collaborent dans le processus d’occupation qui trouvera son macabre aboutissement à Katyn, où le bourreau fut soviétique, mais où ses fournisseurs de prisonniers furent parfois nazis. Le numéro de L’Action française d’où l’article est tiré se fait d’ailleurs l’écho de massacres en Pologne. Bien des efforts et des mensonges communistes postérieurs, comme la fable inlassablement répétée du « parti des cent mille fusillés », viseront à faire oublier cette alliance des communistes et des nazis, alliance qui sera rompue de fait en 1941 quand l’Allemagne attaquera par surprise l’Union soviétique. Les archives ont prouvé depuis que les soviétiques, eux, se trouvaient très bien de cet arrangement, et avec eux les partis communistes occidentaux sous leur influence.

Mais quel besoin de censurer des articles de Maurras dans L’Action française, qui depuis des années appelle au réarmement, dénonce Hitler — y compris comme démocrate comme il le fait de nouveau ce 23 novembre —, s’inquiète de la guerre à venir et cherche à galvaniser les énergies nationales ? quel besoin même de laisser quelques fonctionnaires provinciaux zélés saisir l’A.F. comme le raconte Maurras ? Sans doute importait-il déjà de ne pas trop insister sur les incapacités du régime qui mèneront au désastre de juin 1940. On imagine d’autant plus la gourmandise avec laquelle Maurras annonce, lui qui avait déjà eu la pratique de la censure de guerre en 14-18, la reparution de la Revue universelle

Ce processus de censure, c’est avant tout lui que vise Maurras et malgré les passages caviardés, le lecteur reconnaîtra le cheminement de sa pensée.

Mais à côté de la censure pure et dure, il y a cette autre censure, qui confine à la désinformation : la promotion d’« idées vagues », de chimères « théoriques » ou « morales », bref de tout ce qu’on peut appeler du mot très maurrassien de nuées. Un des ciseaux d’Anastasie coupe ce qui ne lui plaît pas, l’autre épargne ce qui l’arrange, dont l’effet se trouve d’autant renforcé…

Le début du titre IX donnera aux plus perspicaces quelques indications sur ce qui a pu être découpé par les services de Daladier aux titres VII et VIII. Suit un éloge du « médecin français » bien dans le ton de l’époque. Et l’on termine sur l’argent dont le journal toujours en déficit, avait un besoin chronique.