Bourget, le précurseur

Costebelle, jardin de Paul Bourget

Paul Bourget est aujourd’hui bien oublié. Ou du moins bien peu lu si l’on considère l’immense succès qu’il recueillit de son vivant ou si on le compare avec des contemporains étrangers comme Mark Twain ou Henry James.

Littérature datée ? manque d’originalité ? ou plus cruellement manque d’importance ? Il est vrai que Bourget n’appartient pas à ces géants qui bouleversent la littérature et qu’on ne peut ignorer bien longtemps même après un relatif purgatoire. Pas plus n’appartient-il à ces auteurs novateurs qui, à défaut d’un vaste génie, jouent un rôle clef dans l’évolution des idées et des styles. Pas même n’appartient-il à ces auteurs à propos desquels on s’échange une ferveur commune entre zélateurs enthousiastes : Léon Bloy, Alexandre Vialatte, ou encore Malcolm Lowry. Le Disciple, événement considérable en son temps, est parfois encore lu. Mais c’est plus comme un témoignage d’époque que comme une œuvre littéraire à part entière, et Bourget nous dessine la figure inattendue d’un grand écrivain qui ne fut reconnu, salué et apprécié comme tel que par ses contemporains.

Toujours est-il que Maurras écrivit plusieurs fois sur Paul Bourget, témoignant par là de l’importance de son sujet, du personnage considérable qu’était Bourget dans la littérature française d’alors.

Nous vous proposons aujourd’hui un texte de 1900, M. Paul Bourget dans son jardin, tiré de la revue La Chronique des livres. Il était paru peu auparavant dans la Gazette de France, et sera repris plusieurs fois ensuite, en particulier dans un recueil : Le Triptyque de Paul Bourget.

Mais est-ce bien de Bourget qu’il s’agit ? La description faite par Maurras de cet itinéraire spirituel qui conduit Bourget à la foi catholique à partir d’un athéisme supposé, ou du moins d’un paganisme où la vertu se confond à la fois avec l’esthétisme et avec l’indolence spirituelle, ne nous rappelle-t-il rien de Maurras lui-même ?

Étrange souvenir puisqu’il faudrait convenir qu’il précède ou qu’il prédit une évolution qui, chez Maurras, ne pouvait être qu’à peine esquissée en 1900. Peut-être alors faut il supposer que l’exemple de Paul Bourget ne fut pas pour rien dans la suite de la vie spirituelle de Maurras.