Point n’est besoin de s’inventer un monde d’horreurs ou d’hallucinations pour nourrir son inspiration poétique, dès lors que ces horreurs ont bel et bien existé, et que leur réalité dépasse l’imagination la plus perverse.
Et lorsque c’est un poète de génie qui aura lui-même vécu, traversé ces épisodes d’épouvante avant d’y laisser sa propre vie, les vers qu’il aura laissés en témoignage resteront à jamais comme trop imprégnés de tragique pour être accessibles au lecteur. C’est toute la différence que fait Maurras entre la Charogne de Baudelaire, qui a fasciné son adolescence, et les Iambes d’André Chénier. On ne saurait cependant qualifier de malchance, pour Baudelaire, de n’avoir eu pour nourrir son inspiration que la répugnance qui lui inspirait le général Aupick, André Chenier ayant de son côté la « chance » de connaître les cachots et les exécutions de la Terreur…