L’Homme-Roi

Certes Louis XIV ou l’homme-roi sent un peu son texte de circonstance : c’était d’abord un article publié dans Candide en 1938, devenu livre d’art en 1939, et l’on y constate une idéalisation de la monarchie qui n’est pas tant la marque de Maurras que celle de son écriture journalistique. Il le reconnaît lui-même comme une triste nécessité dans la préface à la Musique intérieure :

Cela traîne plus qu’un remords, l’amer regret de ne pouvoir tout dire, si l’on ne veut se résigner à ne dire qu’un peu, conduit tout droit à dire mal, ce qui est trop souvent mon cas. Au reste, l’action a sa loi. Elle appelle, elle souffle, elle impose même ces enchevêtrements, ces répétitions, ces à peu près qui sont les maladies de la prose rapide : quand la formule tend au but, quand l’oreille et l’esprit sont éveillés au point sensible, peu importe le sacrifice d’élégance, il est jugé plus que payé.

Aussi sur quelques points secondaires, ce portrait idéal de Louis XIV et de son règne est trop flatteur : on sait que Mme de Maintenon n’a pas été la parfaite désintéressée que dit Maurras, qu’elle a aussi été la femme d’un parti et sans doute plus que Louise de La Vallière ; ou que le Testament de Louis XIV comportait, à côté des éléments que cite Maurras, une remise en cause du principe de succession sur lequel Saint-Simon n’a pas écrit que des barbouillages.

Mais l’essentiel est sans doute plus ici dans le mouvement même de la pensée de Maurras que dans l’éclairage flatteur de son sujet. Ce qu’il vise, citant Goethe, ce n’est pas tant la personne historique particulière de Louis XIV que « la fonction générique de l’homme-roi » et la manière dont le roi-soleil la représente de manière exemplaire.