Une nouvelle copie du jeune Maurras

Nous revenons cette fois vers le jeune Maurras, puisque cette copie date de sa quinzième année. Il s’agit d’une dissertation sur Tacite, dont nous vous proposons le texte un peu complexe puisqu’il existe deux versions de ce devoir, l’une originale, l’autre recopiée et remaniée pour un « cahier d’honneur ».

La courte phrase qui suit la signature de Maurras, « une voix vertueuse pour réclamer (?) les droits du genre humain calomnié », vient en variante d’une phrase du dernier paragraphe, soulignée sur la copie.

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Comment Maurras est-il devenu royaliste ?

Il nous le dit lui-même dans ce texte intitulé Confession politique d’une manière un peu vieillie et que nous rebaptisons Comment je suis devenu royaliste.

Le texte, composite dès sa première publication puisqu’il comprend une longue Méditation sur Hécatée de Milet qui lui est antérieure, elle-même composée de deux parties écrites à des époques différentes, a subi quelques péripéties : publié en 1930 dans La Revue de Paris, il est repris un an plus tard dans Au signe de Flore, avant de subir des modifications importantes dans les Œuvres capitales en 1954.

La fin du texte fait explicitement référence aux Lettres des Jeux olympiques et à un épisode déterminant pour Maurras, qui a lieu sur le bateau du retour.

Hérodote, les Perses et la démocratie

En 1912, Maurras a 44 ans. Il est dans la plénitude de son art, penseur, polémiste infatigable, et désormais théoricien attitré de la Monarchie. Voici que l’occasion lui est donnée d’évoquer Hérodote, qu’il relit pour l’occasion dans le texte original. Dans ce court article paru dans L’Action française du 29 août 1912, et repris en 1932 dans le Dictionnaire politique et critique, il passe sans transition de sa passion pour la Grèce antique, dont cependant il fustige l’anarchie politique, à l’analyse des arguments éternels en faveur du gouvernement d’un seul contre le gouvernement de plusieurs, ou celui de tous, tout en jetant au passage quelques brèves piques sur l’actualité.

Hérodote n’a généralement pas bonne presse. On l’a accusé d’être un farceur. Sans doute notre bon Michelet, ou notre brave Lavisse, eux, n’ont jamais affabulé, jamais ! Sans doute les historiens français et allemands du 19e, pour se limiter à ce siècle-là, n’ont-ils jamais été en désaccord sur rien, n’ont-ils jamais tiré vers eux ni la saga napoléonienne, ni les secousses de 1848, ni la triste guerre de 1870-71 ! Eh bien, on en veut toujours à Hérodote d’avoir été Grec et de ne pas avoir été Perse. Dans un roman par ailleurs remarquable, l’Américain Gore Vidal s’est inscrit tout naturellement dans cette caricature.

Curieusement, Maurras nous fait entendre Hérodote faisant parler les Perses, et les faisant parler de façon on ne peut plus sage et plus clairvoyante. Mais il est vrai que c’est pour condamner la démocratie et en brocarder les effets pernicieux. Au fond, ce que les modernes reprochent à Hérodote, c’est de ne pas les conforter dans leur culte béat d’une démocratie athénienne idyllique qui n’a existé que dans leurs rêves.